Ce qui rend l'architecture aussi problématique , c'est la fragilité de son aptitude à garantir le bonheur sur laquelle repose son droit à notre attention. Si un édifice attrayant suscite à l'occassion une humeur joyeuse, il y a des moments où les lieux les plus agéables sont incapables de dissiper notre tristesse ou notre misanthropie.
Nous pouvons nous sentir anxieux et envieux même si le marbre du sol sur lequel nous nous tenons a été importé d'une lointaine carrière, et si on a choisi un bleu apaisant pour peindre les châssis délicatement sculptés des fenêtres. Notre baromètre interne peut être insensible aux efforts qu'on a faits pour créer une fontaine ou une harmonieuse rangée de chênes. Nous pouvons avoir une dispute qui se termine par des menaces de divorce dans un bâtiment conçu par Geoffrey Bawa ou Louis Kahn. Les édifices nous invitent quelquefois à partager une humeur que nous nous trouvons incapables d'éprouver. La plus noble architecture peut parfois faire moins pour nous qu'une sieste ou un cachet d'aspirine.
L'architecture du bonheur , Alain de Botton
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